« Recherche famille désespérément » : quand la Mémoire rassemble et unit…

C’est qu’elle n’a pas beaucoup de chance, Malka Salomon. Mère célibataire de l’Arizona, au chômage, elle vit avec ses deux enfants dans un modeste logement duquel elle devrait être expulsée sous peu.

Par passion, elle a transformé son grenier en salle de recherches et d’archives. C’est là qu’elle échappe à la pression quotidienne, le nez plongé dans des centaines de documents et de photographies retraçant la généalogie de ses aïeux, les Bloom.

Ce n’est pas qu’elle se considère comme une historienne, pas du tout, mais toujours est-il qu’elle semble être la seule personne de la famille à accorder autant d’intérêt à l’histoire familiale. Une famille qui, par ailleurs, ne manque pas d’ironiser à son sujet, et se passe facilement de sa présence. Tant que l’on peut éviter l’encombrante Malka, ma foi…

Aussi, le jour où elle découvre par hasard un post sur les réseaux sociaux, et qu’elle apprend que toute la famille se trouve en Europe afin d’organiser un voyage sur les traces de grand-père Jack, rescapé de la Shoah, elle n’en croit pas ses yeux. Comment ont-ils pu partir sans même l’en informer, alors que c’est elle qui dispose de toutes les informations nécessaires à un voyage mémoriel ?

Décider de les rejoindre sans attendre une invitation de leur part semble être une option, mais comment pourrait-elle s’offrir un billet pour la Pologne alors qu’elle bien incapable de payer son loyer ? De plus, personne là-bas ne souhaite sa présence, ni avoir à supporter ses incessantes complaintes. Sans parler des punaises de lit, avec lesquelles elle a coutume de voyager…

Une exploration contemporaine de l’identité juive dans un monde où la question de l’identité se pose partout.

Jewish Book Council

Pris de remords — ou dans un moment d’égarement peut-être —, grand-père Jack va finalement lui offrir le billet pour Cracovie. En revanche, il est évident qu’elle doive apporter avec elle l’ensemble des documents en sa possession.

C’est donc une famille peu enthousiaste qu’elle retrouve en Pologne. Et comble de malchance, la compagnie aérienne a égaré sa valise, contenant… toutes ses archives !

Une arrivée qui ne passe pas inaperçue. Elle qui voulait montrer à tout le monde qu’elle pouvait faire quelque chose de bien et d’utile dans la vie, c’est raté !

Au grand complet, la famille entame sa « visite ». Étape inévitable dans le cadre d’un séjour de Mémoire, les camps d’Auschwitz et de Birkenau vont leur laisser une impression bien amère. Le fait que ce haut-lieu de l’Holocauste ait des airs de « parc d’attraction », passe encore, mais devoir faire la queue en file indienne pour accéder aux divers bâtiments — ces mêmes files indiennes qu’ont fait des millions de personnes avant eux pour entrer dans les chambres à gaz —, c’est un peu trop !

Retraçant les hauts et les bas d’un drame multi-générationnel, ce roman graphique raconte la recherche d’une famille pour ses racines avec une grâce […] cinématographique.

Publisher’s weekly

C’est quelque peu choqués qu’ils prennent ensuite la route de Chelm, ville où grand-père Jack a passé son enfance. Chelm, où vivaient dans les années 30 plus de 70.000 juifs… Il n’en reste aujourd’hui aucun. Et à en juger par l’inhospitalité ambiante, rien de bien étonnant. Peut-être est-ce parce qu’ils sont américains. Ou Juifs. Ou les deux… 

Toutes les traces d’une présence juive à Chelm n’ont cependant pas été effacées, à l’image de la synagogue de la ville. Certes, elle a été reconvertie en bar, et la grande salle avec sa bimah transformée en espace de karaoké, mais bon…

Sur un scénario de Dan Goldman, scénariste de comics, et des illustrations de George Schall, illustrateur brésilien de Sao Paulo, Recherche famille désespérément emmène le lecteur sur les traces sombres de l’Histoire de l’Europe. Les Bloom sont une une famille en quête de réponses, comme il en existe aujourd’hui des milliers…

Mêlant quelques mots de yiddish au français, cet ouvrage est un témoignage plutôt réussi, dont l’aspect parfois cru et humoristique de Malka « dé-dramatise » quelque peu la lourdeur du sujet principal.

Recherche famille désespérément, de Dan Goldman et George Schall, aux éditions Les Humanoïdes Associés. 155 pages. 17,99€.

Si vous désirez aller plus loin :

Shoah et bande dessinée : l’image au service de la Mémoire, de Didier Pasamonik et Joël Kotek, aux éditions Denoël. 168 pages. 29,90€.
Maus, un survivant raconte (l’intégrale), d’Art Spiegelman, aux éditions Flammarion. 295 pages. 30,00€.

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