« The Wedding Day » : quand les fantômes du passé s’invitent à la noce…

Une stèle commémorative le rappelle à l’entrée de Tomza : « En août 41, les fascistes ont tué plus de 800 juifs. 500 d’entre eux ont été brulés dans une grange ». Mais ce fait tragique pourrait ne plus appartenir qu’au passé lointain de la Pologne.

D’ailleurs, ce jour-là, Rysiek Wilk marie sa fille, Kaska. Rysiek est un riche entrepreneur, il a fait fortune dans l’abattage industriel du porc, principale ressource locale. La fête sera forcément grandiose, démesurée, orgiaque. Non seulement il est riche, mais encore on est en Pologne, et en Pologne, quand on fait la fête, ce n’est pas à moitié.

Le matin-même des noces, une délégation de notables juifs vient rendre visite au père de Rysiek, le presque centenaire Antoni, pour lui annoncer qu’il était élevé au rang de Juste Parmi les Nations» pour son action héroïque durant la Seconde Guerre mondiale. Certes, le moment n’est pas des mieux choisis au milieu des préparatifs de la noce, mais il marque comme un symbole bénéfique.

Seulement voilà, Antoni, se souvient : en guise d’acte héroïque, il ne fit que sauver de l’enfer que Léa, la jeune femme juive qu’il aimait, ainsi que son proche entourage. Pour le reste, il a appartenu, comme tous ceux du village, à la cohorte des exécuteurs de juifs secondant, et parfois précédant, les nazis, dans leur haine meurtrière.

Lui aussi, comme les autres, a mis le feu à la grange, et ensuite, comme les autres, il a fait disparaître les cadavres sous la chaux vive.

Seulement voilà, la fortune de Rysiek est plus que compromise : il est mauvais gestionnaire et son entreprise risque la faillite s’il ne parvient à faire signer au plus vite un contrat par les représentants d’une firme allemande.

Déjà que, pour s’en sortir, il emploie de la main d’œuvre ukrainienne, sous-payée et maltraitée. Déjà qu’il accumule les montages financiers crapuleux et les profits illégaux. Déjà qu’il est victime d’un chantage parce qu’on a filmé, dans ses abattoirs, le traitement scandaleux subi par les porcs…

Seulement voilà, la jeune femme, Kaska, est enceinte de – et épouse – Janek, un nationaliste néo-nazi qui ne songe qu’à la tromper le soir-même de la noce, et à empocher la fortune de son nouveau beau-père.

C’est que l’histoire se déroule dans un lieu sans morale et sans pudeur : la religion n’est qu’un masque et l’église catholique pourfend désormais la communauté gay dans les mêmes termes qu’elle utilisa, naguère, pour dénoncer le complot juif.

Rien du passé n’est tout à fait oublié, et les mêmes causes peuvent facilement mener aux mêmes conséquences, comme si le passé remontait à la surface, comme si le passé était une lave qui s’insinuerait dans la moindre des fissures et menacerait de provoquer une éruption de haine.

Le film tout entier est un puissant maelström où se mêlent et s’emmêlent la fiction proprement dite, des images documentaires reconstituées et une sorte de pseudo film de mariage, caméra au poing, pris sur le vif et traversé d’interviews percutants des invités de la noce.

On passe d’une époque à l’autre, d’un lieu à l’autre, d’une vérité à l’autre, et au passage, dans cette sorte de danse macabre, tout à la fois burlesque et funeste, on assène quelques vérités sévères sur l’état de la société polonaise contemporaine.

Avec un cynisme et un humour noir qui ne sont pas sans rappeler Emir Kusturica, Wojciech Smarzowski nous met en garde : les pogroms d’hier ne demandent qu’à renaître, les cendres brulent encore, à peine en surface apaisées.

The Wedding Day, de Wojciech Smarzowski, sera projeté en avant-première dans le cadre du Festival Dia(s)porama.

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