Après Le policier en 2012, Prix spécial du jury international au Festival du film de Locarno, et L’institutrice en 2014, Nadav Lapid revient avec un troisième long-métrage, Synonymes, qui vient de décrocher il y a quelques semaines l’Ours d’Or lors de la Berlinale, faisant de lui le premier film israélien a remporter la plus haute distinction de ce festival.
Traumatisé par son expérience militaire sur le plateau du Golan, Yoav décide de fuir Israël et débarque à Paris, où il pense trouver un refuge. Dans un immense appartement du centre de la capitale, seul et livré à lui-même, il fait la connaissance d’un jeune couple de bourgeois, Caroline et Emile, qui vit à l’étage du dessus…
S’ennuyant dans leur vie, ils vont prendre Yoav sous leur aile, l’aidant financièrement, et faisant naître une étroite et étrange relation entre eux trois, oscillant entre amitié et séduction.
Malgré son accent, Yoav parle un français presque parfait, seule alternative après avoir définitivement refusé de parler hébreu, y compris dans le cadre de son travail en tant qu’agent de sécurité à l’Agence Juive ou à l’ambassade d’Israël. A défaut de pouvoir réécrire son histoire et ses origines, il choisit de changer de langue. Un reniement total aux allures de rédemption.
Arpentant les rues parisiennes au fil de synonymes qu’il apprends et récite par coeur, Yoav va petit à petit se rendre compte que le fantasme identitaire français qu’il était venu chercher n’est peut-être pas ce qu’il lui semblait…
A travers ses déambulations citadines, le spectateur suit Yoav, le regard fixé sur ses pas, le long des trottoirs humides et couverts de feuilles de Paris. Un choix pour Nadav Lapid, dont le style “caméra à l’épaule” met ainsi l’accent sur l’errance mentale et sociale du jeune homme plutôt que sur les images de cartes postales d’une ville fantasmée, et qui n’a plu de “Ville lumière” que le nom.
Largement autobiographique, Synonymes est inspiré de la propre vie de Nadav Lapid lorsqu’il arrive lui aussi à Paris au début des années 2000 :
Yoav est Nadav. Ou Nadav est Yoav… Yoav, le prénom du petit garçon dans son précédent film, L’institutrice, ou encore les scène de bagarres, qui renvoient quant à elles au Policier, font de Synonymes une sorte de « suite », comme si chacun de ses films ne faisait partie que d’une seule et même oeuvre…
C’est à Paris que va naître la passion de Nadav Lapid pour le 7ème art, où il tente même le concours d’entrée à la Femis, l’école de cinéma, auquel il échouera malheureusement à la dernière étape. Mais à l’instar de Yoav, le rêve français qu’il était venu chercher dans la patrie de Molière ne sera finalement que de courte durée, et il retournera en Israël peu de temps après.
Si Quentin Dolmaire et Louise Chevillotte, incarnant respectivement Emile et Caroline, ont un jeu tout en justesse et des interprétations convaincantes, Tom Mercier, découvert par le réalisateur lors des auditions, crève l’écran et fait l’unanimité dans son rôle de Yoav.
Déjà couronné de l’Ours d’Or à Berlin et du Prix FIPRESCI de la Fédération Internationale de la Presse Cinématographique, Synonymes sortira en salle en France le 27 mars 2019.
Si vous désirez aller plus loin :
– Le Policier, de Nadav Lapid. DVD. 108 minutes.
– L’Institutrice, de Nadav Lapid. DVD. 120 minutes.
– Le nouveau cinéma israélien, de Ariel Schweitzer, aux éditions Côté cinéma. 173 pages. 15,00€.
Cet article vous intéresse ? Laissez un commentaire.