6/7. La synagogue Klausen, en passant par l’ancien cimetière Juif…

L’accès au cimetière Juif de Prague, l’une des plus grandes et des plus anciennes nécropoles juives d’Europe, se fait par la synagogue Pinkas, rue Siroka. En fonction durant plus de trois siècles et fermé pour des raisons de salubrité en 1786, la date exacte de la mise en activité du cimetière reste inconnue, mais si situerait vers 1478. 

Mystique et légendaire, son atmosphère est une véritable source d’inspiration. En 2010, l’auteur italien Umberto Eco y a par exemple posé la trame de fond de son roman Le cimetière de Prague.

« J’avais lu quelque part qu’avenue de Flandre, à Paris, il existe, au fond d’une vieille cour, un cimetière de Juifs portugais. […] L’endroit est sordide, mais il m’a servi à imaginer le cimetière de Prague, dont je n’ai vu que des images. »

Umberto Eco.

Comme on peut l’imaginer, parqués dans un ghetto aux limites établies et imposées, toute expansion de la communauté juive était impossible. Aussi, le problème de la place devient vite une priorité. Le judaïsme n’autorisant pas l’exhumation des corps pour des raisons de piété et de respect dus aux ancêtres, l’enterrement des défunts se révéla lui aussi un véritable dilemme. Aussi, décennie après décennie, pour palier à ce problème, on « empila » les tombes les unes sur les autres, créant ainsi différentes couches de terre superposées, tant et si bien qu’à certains endroits du site, on retrouva jusqu’à douze couches successives. Une conséquence qui permit de maintenir dans un état exceptionnel la plupart des sépultures et des pierres tombales, estimées à environ 12.000.

Parmi les plus illustres personnalités reposant ici, on trouve entre autres les tombes de David Oppenheim, rabbin et collectionneur de manuscrits juifs anciens, de Joseph Solomon Delmedigo, historien, kabbaliste et astronome, du mathématicien David Gans, sans oublier les « ohalim » de Mordekhaï Maisel et du Maharal, rabbi Loew ben Bezalel, dont on dit que le Golem continuerait, une fois la nuit tombée, à veiller sur les lieux…

Quant à la synagogue Klausen, qui marque la sortie de la nécropole, elle occupait un rôle central dans la vie de la communauté juive de Prague. Seconde plus grande synagogue de la ville, ses murs accueillaient également la Société du Dernier Devoir, institution de pompes funèbres en charge des malades, des personnes âgées ou mourante. Ce qui explique son emplacement…

La synagogue Klausen a été édifiée sur un emplacement à l’origine occupé par trois petits bâtiments – d’où son nom de Klausen, signifiant « petits » -, construits par Mordekhaï Maisel, mécène, primat et dirigeant de la communauté juive, en 1573 à l’occasion de la visite à Prague de l’empereur Maximilien II. Cet ensemble comprenait une salle de prière, un mikvé, ainsi qu’une haute-école talmudique fondée par le Maharal. En 1689, un gigantesque incendie détruit la quasi-totalité de Josefof, et sous les auspices de Salamon Kalish Kohen, cinq ans plus tard, une nouvelle synagogue, la Klausen, sort de terre.

Après la disparition des synagogues Zigeuner, dont certains vestiges sont conservés dans la synagogue du Jubilé (synagogue Jérusalem), et Haute-Cour, la synagogue Klausen offre le dernier témoignage d’architecture de style baroque primitif, dominé par de magnifiques voûtes sous lesquelles est conservée une Arche Sainte à trois niveaux surmontée des tables de la Loi, offerte en 1696 par le financier et diplomate viennois Samuel Oppenheimer.

Remanié à de nombreuses reprises, la synagogue Klausen accueillera à partir de 1906 l’un des tout premiers musées Juifs d’Europe. Paradoxalement, au lieu d’être totalement détruites pendant la Seconde guerre mondiale, ses collections vont considérablement s’enrichir durant l’occupation allemande. Et pour cause… De 1940 à 1945, ici ont été entreposé une partie des collections juives pillées à travers l’Europe, préambule à la construction par les nazis d’un « musée exotique d’une race disparue ».

Aujourd’hui riche de centaines d’objets de culte, de textes, de dessins, la synagogue Klausen accueille une exposition permanente sur les traditions et coutumes religieuses juive.

Lire la suite :
7/7. La synagogue Jérusalem

Si vous désirez aller plus loin :

Le Messianisme juif dans la pensée du Maharal de Prague, de Benjamin Gross, aux éditions Albin Michel. 388 pages. 18,60€.
Prague fatale, de Philip Kerr, aux éditions du Masque. 407 pages. 22,00€.
Le kabbaliste de Prague, de Marek Halter, aux éditions J’ai lu. 288 pages. 7,70€.
Le cimetière de Prague, d’Umberto Eco, aux éditions Livre de Poche. 576 pages. 8,40€.
Franz Kafka à Prague, de Gérard-Georges Lemaire et Hélène Moulonguet, aux éditions du Chêne. 170 pages. 20,00€.
La famille Kafka de Prague, d’Alena Wagnerova, aux éditions Grasset. 22à pages. 15,30€.
Le Golem, de Gustav Meyrink, aux éditions Flammarion. 321 pages. 10,50€.
Le Golem : légendes du ghetto de Prague, de Chajim Bloch, aux éditions Samuel Tastet. 208 pages. 15,00€.

Et pour la jeunesse :

L’ombre du Golem, de Benjamin Lacombe et Eliette Abécassis, aux éditions Flammarion. 180 pages. 25,00€.
Le kabbaliste de Prague (tome 1), de Makyo, Luca Raimondo et Marek Halter, aux éditions Glénat. 56 pages. 14,50€.
Le kabbaliste de Prague (tome 2), de Makyo, Luca Raimondo et Marek Halter, aux éditions Glénat. 56 pages. 14,50€.


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